Aux Armes ...



Le point sur nos armes à feu…

De récentes modifications législatives en matière d’armes à feu ont suscité quelques frémissements d’inquiétude dans nos rangs de marcheurs... Les incertitudes et les rumeurs sont telles qu’il m’a semblé utile de tenter de faire le point sur la question.

La loi du 8 juin 2006 classifie les armes à feu en armes prohibées, armes soumises à autorisation, et armes en vente libre. Cette dernière catégorie est celle qui nous intéresse, puisque l’article 3 §2, 2° de la loi du 8 juin 2006 dispose : Sont réputées en vente libre : (…) Les armes à feu d’intérêt historique, folklorique ou décoratif définies par le Roi. Si de telles armes à feu sont destinées au tir en dehors du cadre de manifestations historiques ou folkloriques, elles sont considérées comme armes à feu soumises à autorisation.

Les termes « définies par le Roi » signifient qu’il appartient au Gouvernement de légiférer sur la question par arrêté royal. En l’espèce, c’est l’arrêté royal du 20 septembre 1991 (modifié après la loi de 2006) qui nous intéresse.

L’article 1er de cet arrêté royal de 1991 précise quelles armes à feu d’intérêt historique, folklorique ou décoratif sont en vente libre.
Notamment celles : (…) 4°. Qui sont portées lors de marches folkloriques ou de reconstitutions historiques, pour autant qu’il s’agisse d’armes d’épaules ou de poing à poudre noire, à un coup, à canon lisse et à amorçage séparé par une platine de silex ou par percussion, se chargeant par la bouche du canon.

Une circulaire ministérielle publiée au Monsieur belge du 2 décembre 2011 précise que cette catégorie vise principalement les pistolets et tromblons (Sic ! Le rédacteur semble oublier les fusils…) de la période du premier et du deuxième empires français et leurs répliques récentes, surtout utilisées lors de Marches folkloriques de l’Entre-Sambre-et-Meuse. Cette même circulaire explicite clairement que c’est bien la qualité de marcheur du détenteur qui permet de classifier l’arme dans les armes en vente libre. Autrement dit, la même arme détenue par un particulier non marcheur (voire même, dans la rigueur des principes, par un ex-marcheur) « rebascule » dans la catégorie des armes à feu soumises à autorisation.

Petite précision importante, les fusils et pistolets à canon rayé (certains le sont) ne peuvent entrer dans la catégorie des armes à feu d’intérêt historique ou folklorique en vente libre ! Ils sont à classer dans les armes à feu soumises à autorisation.

Qu’en est-il des règles relatives au port de nos armes de marche ? La réponse nous est donnée par l’article 9 de la loi du 8 juin 2006 : Le port d’une arme en vente libre n’est permis qu’à celui qui peut justifier d’un motif légitime. Cette notion de motif légitime n’est pas définie par les textes légaux, elle est à comprendre dans son sens usuel. La participation à une manifestation folklorique est bien entendu un motif légitime.

Quid de l’achat et/ou de la vente ? Tout d’abord, la loi de 2006 dispose qu’aucune arme à feu (même en vente libre) ne peut être vendue à un particulier de moins de 18 ans. L’achat chez un armurier d’un fusil, d’un tromblon ou d’un pistolet (à poudre noire, à un coup, à canon lisse et à amorçage séparé par silex ou percussion) peut se faire aux seules conditions de la majorité de l’acquéreur et de la justification de sa qualité de marcheur. L’armurier doit cependant rédiger un avis de cession « modèle 9 » (puisque ces armes sont en principe soumises à autorisation – nous avons vu ci-dessus qu’elles ne sont réputées en vente libre qu’en raison de la qualité de marcheur de l’acheteur - et qu’il faut donc pouvoir en conserver la traçabilité).

De la lecture combinée des articles 10 de la loi de 2006 et de l’article 4 de l’arrêté royal du 20 septembre 1991, il peut se déduire qu’un marcheur peut vendre son arme à un autre marcheur (majeur) moyennant la rédaction d’un avis de cession « modèle 9 », lequel est à transmettre dans les 8 jours de la cession au gouverneur du lieu de résidence de l’acquéreur (le cédant conserve une copie de cet avis, alors que l’autre copie, pourvue du numéro d’enregistrement, est transmise à l’acquéreur par le gouverneur).

En revanche, un marcheur ne peut vendre son arme à un non marcheur (autre qu’un armurier ou un tenancier d’un musée privé ou d’une collection) que si ce dernier dispose d’une autorisation visée à l’article 11 de la loi et délivrée par le gouverneur. L’arme perd en effet, à l’issue de cette transaction, sa qualité d’arme réputée « en vente libre » (comme expliqué cidessus). Il faut encore ajouter que la loi de 2006 interdit la vente ou l’offre en vente d’armes en vente libre à des particuliers par correspondance ou par Internet (article 19.1° de la loi).

Enfin, l’hypothèse de l’héritage d’une arme de marche n’est pas prévue par la loi.
L’article 11/2 §2 de la loi de 2006 dispose que l’héritier qui apporte la preuve qu’il a acquis dans son patrimoine une arme détenue légalement par la personne décédée, peut, dans les deux mois de l’entrée en possession de l’arme, demander une autorisation telle que visée à l’article 11/1 (à savoir une autorisation de détention sans munitions accordée par le gouverneur). Cette disposition ne trouve cependant pas à s’appliquer dans notre cas de figure puisque, comme nous l’avons vu, aucune autorisation n’est requise pour détenir une arme à feu d’intérêt historique ou folklorique au sens de l’article 1er de l’arrêté royal du 20 septembre 1991. Il n’y a donc, dans cette hypothèse et si l’héritier est lui-même marcheur, aucune démarche à accomplir. L’arme ne deviendra le cas échéant « traçable » que lors d’une vente ultérieure (via un « modèle 9 »).

Et les récentes modifications législatives ?
Un arrêté royal du 8 mai 2013, modifiant partiellement l’arrêté-royal du 20 septembre 1991, a été l’occasion de nouvelles questions, alimentées par une presse souvent peu encline à la mesure et à la rigueur du raisonnement... En réalité, cet arrêté royal ne modifie en rien le 4e alinéa de l’arrêté royal du 20 septembre 1991 (reproduit ci-dessus), de telle sorte qu’il n’a aucune incidence sur le sort de nos armes de marche. De même, un tout nouvel arrêté royal du 2 mai 2014 modifie partiellement l’arrêté royal du 20 septembre 1991 en rétablissant un article 3bis relatif aux armes portées lors de défilés de commémoration de la première guerre mondiale.
A nouveau, rien ne change pour nous, marcheurs.

En guise de conclusion :
Aucun doute, nos fusils, pistolets et tromblons destinés aux manifestations folkloriques sont et demeurent des armes réputées en vente libre (pour autant qu’il s’agisse d’armes d’épaules ou de poing à poudre noire, à un coup, à canon lisse et à amorçage séparé par une platine de silex ou par percussion). Cette catégorisation de nos armes résulte en réalité de notre qualité de marcheur.

En conséquence :
  • Toutes les contraintes afférentes à la détention des armes à feu soumises à autorisation (autorisation du Gouverneur, avis du chef de corps de la police locale, paiement d’une redevance, etc.) ne sont pas d’application.
  • Aucune démarche n’est donc à accomplir par le marcheur qui possède déjà une ou plusieurs arme(s), et ce contrairement à ce que soutiennent certains fonctionnaires de police mal informés…
  • L’achat d’une arme (telle que décrite ci-dessus) chez un armurier est possible aux seules conditions d’être majeur et de pouvoir justifier de sa qualité de marcheur. Un simple avis de cession « modèle 9 » sera rédigé.
  • La revente d’une telle arme à un autre marcheur est possible aux mêmes conditions, avec rédaction d’un « modèle 9 » (qui peut être téléchargé sur Internet).
  • En revanche, la revente à un particulier non marcheur n’est possible que si ce dernier obtient une autorisation délivrée par le gouverneur.
  • La question de l’héritage n’étant pas réglée par la loi, aucune démarche n’est à accomplir dans cette hypothèse si l’héritier est marcheur.
  • Enfin, les récentes modifications législatives (en 2013 et 2014) n’ont en rien modifié le régime applicable à nos armes folkloriques à poudre noire.


  • Renaud Hauquier
    Magistrat et Marcheur.
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